L’histoire fascinante de la Baignoire de Joséphine en Martinique
On connaît la Baignoire de Joséphine pour ses eaux cristallines et ses bancs de sable sublimes. Mais peu de visiteurs se doutent que ce lieu emblématique cache une histoire bien plus riche qu’il n’y paraît. D’où vient son nom ? Joséphine est-elle vraiment venue s’y baigner ? Quelle est la part de légende et celle de vérité ? En tant que guide local, j’ai recueilli les récits des anciens et exploré les écrits qui racontent cette histoire singulière. Voici un plongeon passionnant dans le passé de ce lieu magique au cœur des îlets du François.
Une géographie unique propice aux récits
La formation naturelle des fonds blancs
Imaginez un lagon peu profond, où l’eau cristalline ne dépasse guère la hauteur des hanches, même à des centaines de mètres de la côte. Les fonds blancs sont ces hauts-fonds sablonneux situés au large, là où le sable blanc remonte près de la surface, formant des “baignoires naturelles” dans un décor digne des Maldives… mais bien martiniquais !

Ce phénomène géologique est le fruit de l’érosion des coraux et du dépôt de sédiments marins, sculptés par les courants et les marées. Ces bancs de sable apparaissent entre deux îlets ou le long de la barrière de corail. L’un des plus célèbres est justement celui qu’on appelle aujourd’hui la Baignoire de Joséphine.
Ces formations offrent un contraste saisissant entre l’eau turquoise et le sable blanc, qui attire autant les regards que les récits. D’ailleurs, depuis toujours, ces lieux ont inspiré les histoires les plus extraordinaires.
Les îlets du François : un petit paradis au large
Lorsque vous partez en mer depuis Le François, une myriade de petits îlets se dresse à l’horizon. Ce sont les îlets du François, véritables perles flottant sur la mer des Caraïbes. Parmi les plus connus : îlet Oscar, îlet Thierry, îlet Long et îlet Lavigne.
Chacun de ces îlets a sa personnalité, sa végétation, son histoire. Certains abritent des cabanes de pêcheurs, d’autres des oiseaux endémiques. Mais tous partagent ce point commun : un cadre naturel exceptionnel qui favorise la contemplation, le calme… et bien sûr, les récits. Ce sont des lieux que les anciens associent à des souvenirs, des traditions, et parfois même à des légendes locales transmises de génération en génération.
L’usage ancestral des bancs de sable par les pêcheurs et marins
Bien avant l’arrivée des touristes, les bancs de sable comme la Baignoire de Joséphine faisaient partie du quotidien des pêcheurs martiniquais. Ils y faisaient des pauses pendant leurs sorties en yole, s’y reposaient à marée basse, ou y partageaient un repas simple – souvent du poisson grillé, du pain et un peu de rhum. C’était aussi un point de rendez-vous entre marins, un lieu de fraternité au cœur de la mer.
Certains utilisaient ces zones pour repérer les poissons en eaux peu profondes ou pour rincer leurs filets. D’autres racontent qu’on y célébrait des moments particuliers, comme le passage d’un bateau ou la fin d’une saison de pêche.
Ce lien ancien et intime avec les fonds blancs a forgé un attachement fort à ces lieux. Aujourd’hui encore, en tant que guide, je m’efforce de transmettre non seulement la beauté du décor, mais aussi l’âme de ces bancs de sable, cet héritage vivant que l’on ne voit pas toujours, mais que l’on sent dès qu’on y met les pieds.
Qui était Joséphine de Beauharnais et quel est son lien avec la Martinique ?
Son enfance sur l’habitation de la Pagerie aux Trois-Îlets

© : wikipédia.org
Joséphine, de son vrai nom Marie-Josèphe Rose Tascher de la Pagerie, est née en 1763 sur l’habitation de la Pagerie, une ancienne plantation sucrière située aux Trois-Îlets, sur la côte sud-ouest de la Martinique. C’est là, au cœur de cette propriété entourée de cannes à sucre, de manguiers et de traditions créoles, qu’elle a passé son enfance.
Sa famille appartenait à la petite noblesse coloniale. Elle a grandi entre la rigueur des règles européennes et l’ambiance insulaire de la Martinique, marquée à la fois par la beauté de la nature et par les tensions sociales liées à l’esclavage. L’actuel musée de la Pagerie, installé sur les ruines de l’habitation familiale, permet aujourd’hui de découvrir cette période de sa vie à travers des objets, lettres et documents d’époque.
Joséphine ne se doutait sûrement pas qu’elle deviendrait un jour impératrice. Pourtant, c’est bien dans ce décor martiniquais qu’est née une figure qui allait marquer une part de l’histoire de France.
Le contexte colonial de l’époque
À l’époque de la naissance de Joséphine, la Martinique était une colonie française prospère… mais profondément inégalitaire. L’économie reposait sur les plantations, le commerce triangulaire, et l’exploitation de la main-d'œuvre esclave venue d’Afrique. La société coloniale était divisée en castes, et la richesse reposait principalement sur le travail forcé.
Joséphine a grandi au cœur de ce système, ce qui explique en partie pourquoi, une fois devenue impératrice aux côtés de Napoléon Bonaparte, elle aurait, selon certains historiens, soutenu le rétablissement de l’esclavage en 1802, après son abolition par la Révolution.
Cette facette sombre de son héritage est encore aujourd’hui source de débats en Martinique, entre ceux qui la voient comme une figure historique liée à l’île, et ceux qui dénoncent le symbole colonial qu’elle incarne.
L’influence durable de sa figure en Martinique
Qu’on l’admire ou qu’on la critique, Joséphine ne laisse personne indifférent en Martinique. Son nom est inscrit dans la mémoire collective, dans les livres d’histoire, mais aussi dans les paysages. Il y a bien sûr la Baignoire de Joséphine, mais aussi la fameuse statue de Joséphine à Fort-de-France, érigée au XIXe siècle… et décapitée en 1991 par des militants anticoloniaux. Depuis, elle reste exposée sans tête, comme une forme de mémoire contestée, un symbole fort des tensions entre passé colonial et identité créole.
Dans mon métier de guide, je rencontre souvent des visiteurs fascinés par l’histoire de Joséphine. Je leur explique qu’ici, son souvenir est à la fois romantique et politique, lié à la beauté d’un lieu… mais aussi à un passé douloureux. Car c’est cela aussi, la Martinique : une terre où l’on ne peut pas séparer les paysages de l’histoire, ni la mer turquoise des mémoires profondes.
Mythe ou réalité : Joséphine s’est-elle vraiment baignée ici ?
La légende populaire transmise oralement
Depuis des décennies, les anciens racontent que Joséphine de Beauharnais aimait venir se baigner dans les eaux peu profondes de ce lagon entre les îlets du François. Selon la tradition orale, elle aurait accosté depuis les Trois-Îlets pour rejoindre les bancs de sable aux eaux chaudes et transparentes, profitant d’un moment d’intimité dans un écrin naturel exceptionnel. C’est de là que viendrait le nom de “Baignoire de Joséphine”, en hommage à ces prétendus bains impériaux en mer des Caraïbes.
Cette version, bien que charmante, a surtout été transmise de bouche à oreille, entre pêcheurs, guides, grands-parents et conteurs créoles. Elle a traversé les générations comme une belle histoire qu’on aime répéter aux visiteurs, comme un conte mêlant amour, nature et histoire impériale.
Ce que disent les archives historiques
Mais lorsqu’on gratte un peu sous la surface, rien ne permet de prouver que Joséphine s’est réellement baignée ici. Les documents historiques dont nous disposons, à savoir les correspondances, journaux de bord et récits de l’époque ne font aucune mention de visites précises aux îlets du François, encore moins de baignades dans les fonds blancs.
À son époque, le François n’était pas un lieu mondain. Les déplacements en bateau entre les communes étaient possibles, certes, mais longs et réservés aux besoins essentiels. Joséphine a quitté la Martinique très jeune, à 16 ans, pour aller vivre à Paris et y épouser Alexandre de Beauharnais, bien avant de devenir impératrice.
En réalité, le nom "Baignoire de Joséphine" semble être une création beaucoup plus récente, probablement née dans les années 1970-1980, à une époque où le tourisme nautique commençait à se développer dans la région.
Le rôle de l’imaginaire collectif dans la construction du mythe
Mais après tout, la vérité historique importe-t-elle vraiment face à la puissance de l’imaginaire collectif ? En Martinique, comme dans tant d’autres îles, les récits sont souvent plus forts que les faits. Ils donnent une âme aux lieux.
La figure de Joséphine, entre impératrice française et enfant née en terre créole, incarne une dualité fascinante. Elle est à la fois source de fierté, de rejet et de mystère. Associer son nom à ce lieu enchanteur, c’était peut-être une façon de romancer l’histoire, de rendre hommage à une enfance martiniquaise idéalisée, ou simplement de raconter la beauté du lagon à travers un nom qui fait rêver.
Origine du nom « Baignoire de Joséphine »
L’hypothèse d’une appellation touristique moderne
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le nom “Baignoire de Joséphine” n’apparaît dans aucun document ancien. Il ne figure ni sur les cartes marines du XVIIIe ou XIXe siècle, ni dans les récits de marins, ni dans les archives coloniales. C’est un nom qui semble avoir été forgé à des fins touristiques, pour valoriser un site naturel spectaculaire en lui associant une figure historique connue et intrigante.
Selon plusieurs témoignages de guides plus âgés, le nom aurait commencé à circuler dans les années 1970-1980, à l’époque où les premières excursions en bateau dans la baie du François se sont structurées. On cherchait alors à rendre les îlets et les fonds blancs plus attrayants aux yeux des visiteurs venus de métropole ou d’ailleurs. Et quoi de plus séduisant que d’associer ce lieu paradisiaque à une impératrice née en Martinique ?
C’est ainsi que le mythe est né, nourri moins par les faits que par le charme évocateur du nom.
Le développement du tourisme nautique dans les années 80-90
Dans les années 1980, le tourisme nautique en Martinique connaît un véritable essor. Des pêcheurs traditionnels commencent à reconvertir leurs embarcations pour proposer des balades en mer. Petit à petit, les excursions aux îlets deviennent une activité phare pour les visiteurs. On y sert du ti-punch, du boudin créole, on nage dans l’eau turquoise, on explore les fonds blancs.
Dans ce contexte, la “Baignoire de Joséphine” devient un point de passage quasi obligatoire. Le nom séduit. Il fait rêver. Il évoque à la fois l’histoire coloniale, le luxe, l’exotisme… et il sonne bien. Le bouche-à-oreille fait le reste : guides, agences, brochures touristiques, tous reprennent l’appellation. Et en quelques années, ce lieu naturel change de statut : d’un simple banc de sable, il devient une destination emblématique.
Découvrez les raisons d’aller à la baignoire de Joséphine dans cet article.
Comment le nom est devenu un argument commercial
Aujourd’hui, le nom “Baignoire de Joséphine” est l’un des plus puissants leviers marketing du tourisme martiniquais. Il figure sur les dépliants, les panneaux d’agence, les moteurs de recherche, et bien sûr sur les lèvres des visiteurs. C’est devenu une marque, un symbole. Et soyons honnêtes : cela fonctionne.
Les gens ne viennent pas seulement pour le sable blanc ou l’eau peu profonde. Ils viennent aussi pour l’histoire qu’on leur raconte. Pour la sensation de marcher dans les pas d’une impératrice. Pour se dire, une fois rentrés chez eux : “Moi aussi, je me suis baigné dans la Baignoire de Joséphine.”
En tant que guides d'excursions en bateau en Martinique, nous jouons le jeu… mais toujours avec honnêteté pour ma part. Personnellement j’aime rappeler que ce lieu est avant tout un trésor naturel martiniquais, un espace fragile, à respecter, à comprendre. Et que si le nom plaît tant, c’est parce qu’il unit le réel et le mythe, le sable et l’Histoire.
Les récits des anciens et la tradition orale martiniquaise
Ce que racontent les anciens pêcheurs et guides
Avant les brochures touristiques, avant les sites Internet et les excursions à moteur, il y avait la parole des anciens. Les vieux pêcheurs du François ou du Robert racontaient que les fonds blancs étaient autrefois des lieux de repos, de partage, parfois même de refuge pendant les tempêtes. Certains affirment que des cérémonies s’y déroulaient au lever du jour, ou que l’on y attendait le bon moment pour lancer les filets. La “Baignoire” n’était pas encore “de Joséphine”, mais déjà un espace spécial, empreint de respect et de symbolisme.
Parmi les récits que l’on m’a transmis, certains parlent d’une femme mystérieuse, élégante, que l’on aurait vue jadis se baigner seule à l’aube, dans une brume légère. Était-ce une simple bourgeoise de passage ? Ou déjà une version locale, imaginaire, de Joséphine ? Nul ne le sait vraiment. Mais ce type de récit, chuchoté à la criée ou autour d’un verre de rhum, fait partie de la mémoire vivante des îlets.
Le rapport affectif des locaux à ce lieu
Pour nous, Martiniquais, la Baignoire de Joséphine n’est pas juste un lieu touristique : pour ceux qui ont vécu dans le coin c’est un coin d’enfance, de souvenirs, de liens familiaux. Certains se souviennent d’y aller en yole avec les cousins, d’y fêter les anniversaires, d’y avoir appris à nager entre deux gorgées de jus de groseille péyi… Avant l’arrivée massive du tourisme, les familles locales s’appropriaient ces îlets comme un prolongement naturel de leur quotidien.
C’est pourquoi beaucoup de locaux ressentent à la fois de la fierté et une certaine mélancolie en voyant ce lieu devenir une “attraction”. La Baignoire de Joséphine est magnifique, oui, mais elle est aussi précieuse, fragile, et porte en elle un attachement intime que les visiteurs ne perçoivent pas toujours.
Les contes et anecdotes souvent oubliés des guides touristiques
Il y a des histoires que l’on n’entend plus. Des petits récits créoles pleins de charme et de malice, qui ne figurent pas dans les manuels mais qui font vivre l’âme des lieux. On dit, par exemple, qu’un pêcheur surnommé “Ti-Faz” avait l’habitude de s’endormir sur son canot juste au bord du banc de sable, convaincu que les esprits des eaux veillaient sur lui. Ou encore qu’un jour, une sirène serait apparue aux abords de l’îlet Oscar, laissant derrière elle un peigne d’or aujourd’hui perdu…
Ces histoires ne sont pas “vérifiables”. Et pourtant, elles sont essentielles, car elles racontent le regard que les anciens posaient sur leur environnement. Un regard fait de poésie, de respect, de spiritualité. C’est cette richesse invisible que j’essaie de transmettre lors de mes excursions. Car la tradition orale, chez nous, c’est la voix de l’île, une voix qu’il faut continuer à faire entendre.
Un symbole entre histoire coloniale, fierté locale et marketing touristique
Le paradoxe Joséphine : impératrice, colon, figure locale ?
Parler de Joséphine en Martinique, c’est marcher sur un fil entre admiration et amertume. D’un côté, elle est une enfant née au pays et devenue impératrice de France – une ascension exceptionnelle, presque romanesque. De l’autre, elle est aussi perçue comme une figure de l’élite coloniale, associée au rétablissement de l’esclavage en 1802 sous Napoléon Bonaparte.
Ce paradoxe nourrit des débats encore très actuels. Peut-on célébrer une femme qui a grandi sur une habitation esclavagiste, et dont l’image reste liée à un passé douloureux ? Pour certains, Joséphine n’est pas une héroïne, mais le symbole d’une époque d’oppression. Pour d’autres, elle représente une part de l’histoire martiniquaise qu’il ne faut ni nier ni glorifier, mais comprendre dans toute sa complexité.
Le fait que son nom ait été associé à un lieu aussi beau que les fonds blancs ajoute encore à cette ambivalence : doit-on s’en réjouir, ou s’en méfier ?
Comment ce lieu est perçu aujourd’hui en Martinique
Aujourd’hui, la Baignoire de Joséphine est à la fois adorée et questionnée. Les touristes y voient un petit paradis, les agences en font un produit d’appel, et les habitants, eux, oscillent entre attachement affectif et vigilance identitaire.
Pour beaucoup de Martiniquais, ce lieu fait partie du patrimoine naturel à protéger, mais aussi du patrimoine culturel à recontextualiser. Ce n’est pas seulement une carte postale : c’est un espace chargé de symboles, où se rencontrent l’histoire coloniale, la beauté du territoire et les réalités sociales actuelles.
Il arrive d’ailleurs que des voix s’élèvent pour dénoncer l’usage excessif du nom de Joséphine sans explication historique, ou pour réclamer une meilleure valorisation des savoirs locaux autour de ces espaces. On sent donc par moments une envie de reprendre la main sur le récit, comme pour manifester une volonté de se défaire de ce passé.
Réappropriation culturelle et mémoire collective
Depuis quelques années, un mouvement de réappropriation culturelle s’est engagé en Martinique, y compris autour de lieux comme la Baignoire de Joséphine. Des artistes, des guides, des enseignants, des habitants revisitent les symboles, redonnent du sens, proposent d’autres narrations. Ils rappellent que l’histoire ne se limite pas à une figure impériale, et que le vrai trésor, ce sont les récits oubliés, les traditions orales, les usages ancestraux des lieux.
Ce travail de mémoire est essentiel : il permet de connaître ce lieu sous un autre spectre que celui du marketing pur qui a été créé, afin de renouer avec une identité vivante, complexe et profondément créole. C’est aussi une manière de transmettre autre chose aux visiteurs : l’histoire qui a toujours été contée certes, mais aussi ce qu’il en est au présent avec l’évolution des mœurs et des motivations. Car l’histoire d’un lieu n’est pas figée et elle continue de s’écrire.
C’est, je crois, tout l’enjeu de notre rôle en tant que guides : faire vivre les lieux sans trahir leur histoire, en les racontant avec nuance, passion et vérité.
La Baignoire de Joséphine ne se résume pas à un simple lagon de carte postale. Derrière sa beauté naturelle se cache une mosaïque d’histoires, de croyances, de contradictions et de fiertés. En tant que guide local, je vous invite à aller au-delà de l’image touristique et à vous immerger dans ce que ce lieu signifie vraiment pour les Martiniquais.
Maintenant que vous savez tout sur la baignoire de Joséphine, je vous invite à découvrir les éléments à savoir avant une excursion à la Baignoire de Joséphine avec Exotic Vibes Excursion.